Les Etats Généraux de l’Agriculture et de l’Élevage lancés en Guinée
En Guinée, c’est parti pour trois jours (3, 4 et 5 juillet 2024) d’intenses travaux des États Généraux de l’Agriculture et de l’Élevage (EGAE). Organisé par le Ministère de l’agriculture et de l’élevage sous le thème : « Comment traduire le potentiel agropastoral de la Guinée en levier pour l’autosuffisance, la sécurité alimentaire et nutritionnelle ? », cet événement vise à rassembler les principaux acteurs du secteur agropastoral pour discuter des défis et des opportunités, et élaborer des stratégies durables pour le développement du secteur.
L’objectif de ces états généraux est d’approfondir le diagnostic du secteur pour identifier les voies et moyens garantissant un accroissement durable de la production et de la productivité, assurant l’autosuffisance alimentaire et nutritionnelle des populations.
C’est le Premier ministre chef du gouvernement de transition, accompagné par plusieurs membres de son gouvernement, les partenaires techniques et financiers, quelques ambassadeurs accrédités en Guinée et plusieurs autres personnalités étrangères invitées à ces assises, qui a présidé l’ouverture officielle des activités de ces états généraux.
Dans son discours de circonstance, Amadou Oury Bah a rappelé qu’en Guinée, d’après les statistiques de la banque mondiale, la contribution du secteur agro-pastoral dans le PIB national n’est que de 19 %. Des statistiques décevantes pour la Guinée, selon le Premier ministre.
« De par nos atouts, de par ce que Dieu nous a donné notamment les terres arables, les plaines, de l’eau, une main d’œuvre, nous ne pouvons pas nous contenter d’une contribution qui n’atteint même pas 20 % du PIB. C’est la raison pour laquelle ces états généraux doivent répondre à la problématique : Comment trouver les voies et moyens de faire en sorte que ce paradoxe soit résolu définitivement ? C’est un enjeu capital et c’est la raison pour laquelle le Président de la République, dès après le 05 septembre a tout mis en œuvre pour affecter des ressources avoisinant les 200 % au secteur agricole pour que cette fatalité, qui fait que malgré les atouts, la Guinée n’est pas parvenue à faire que son agriculture soit porteuse de croissance véritable », a déclaré le Premier ministre.
Le gouvernement attend de ces assises quelque chose de concret, de réaliste et réalisable en termes de propositions, et d’orientations, a-t-il ajouté.
« Le gouvernement attend beaucoup de ces assises en termes d’orientation, en termes d’éclairage, parce qu’il y a des hommes et des femmes d’expérience qui savent de quoi ils parlent et nous devons les écouter, prendre en compte ce qu’ils nous proposent, pour que l’année prochaine, avec l’aide de Dieu, que la Guinée ne soit plus dans une logique d’avoir un objectif d’autosuffisance alimentaire, mais de se fixer des objectifs, de faire de son agriculture le principal levier de son développement en faisant en sorte que la contribution du secteur agro-pastoral pour le PIB, dépasse les 50%. Si on a ça, on règle tous nos problèmes. On règle les problèmes de la pauvreté, on règle les problèmes de l’instabilité sociale, on règle les problèmes de nos jeunes qui désespèrent et qui prennent le chemin de la migration clandestine.
En travaillant sur des leviers efficaces, en travaillant sur des leviers concrets, nous allons changer ce pays. Le secteur minier à travers le Simandou est déjà une opportunité exceptionnelle. Nous devons également, pour marcher sur nos deux jambes, faire de l’agriculture le second levier par lequel nous devons marcher pour faire de la Guinée la locomotive économique de l’Afrique de l’Ouest dans les années à venir », indique Amadou Oury Bah.
De son côté, le Ministre de l’agriculture et de l’élevage a expliqué que ces états généraux sont un moment majeur de réflexion symbolisant l’engagement collectif des autorités à s’unir pour trouver des voies et moyens pour propulser le secteur agropastoral pour l’atteinte de la souveraineté alimentaire de la Guinée.
« La Guinée de par sa diversité de son climat et de ses écosystèmes est un pays éminemment agricole avec une pluviométrie comprise entre 1300 et 4 000 millimètres d’eau par an. Un potentiel en terres arables évalué à 13 millions 700 hectares soit 56 % du territoire national. Un cheptel estimé à 8 millions de bovins, 7 millions de petits ruminants, d’autres filières animales porteuses, porcines, avicoles, apicoles et de nombreux cours d’eau faisant de la Guinée le château d’eau de l’Afrique de l’Ouest. En plus de sa position géographique et de son ouverture sur l’océan Atlantique et le monde avec plus de 300 km des côtes maritimes, la Guinée offre de multiples opportunités. En dépit de cet immense potentiel et des efforts consentis depuis l’indépendance, le secteur agropastoral peine à atteindre les objectifs d’autosuffisance, de sécurité alimentaire et de réduction de la pauvreté. C’est un paradoxe qui nous interpelle tous », a expliqué le ministre de l’Agriculture et de l’élevage.
Félix Lamah a surtout insisté sur l’importance de ces assises pour le développement de l’agropastoral pour la population guinéenne. « Les assises qui nous rassemblent aujourd’hui, nous les voulons gagnant pour les citoyens qui vivent de l’agropastoral, tous les jeunes qui bénéficieront de ces fruits par leur insertion et pour tous les consommateurs guinéens que nous sommes », souligne le ministre Lamah.
Les résultats de ces concertations seront enrichis par les apports des spécialistes et des expériences des pays invités autour des panels et des masters classes portant sur les problématiques liées à l’ensemble des enjeux notamment :
L’aménagement des terres agricoles et la maîtrise de l’eau,
La durabilité des infrastructures rurales,
La connexion entre les zones agricoles et le marché,
La valorisation des produits agricoles et animaux et le renforcement des circuits commerciaux,
Le stockage, le conditionnement, la conservation des produits et leurs transformations,
L’employabilité des jeunes et des femmes dans le secteur,
Les défis des changements climatiques,
La mobilisation des fonds et les opportunités d’investissement,
L’apport du secteur minier et du secteur privé au développement de l’agropastoral, la recherche et le transfert des technologies,
L’accès durable aux intrants agricoles et d’élevage ainsi la mécanisation.
Les recommandations issues de ces assises seront utilisées à bon terme, promet le ministre. « De ces états généraux vont découler des recommandations que nous comptons traduire en une feuille de route avec des actions concrètes et budgétisées. Cette feuille de route servira de document de référence qui devra nous mener à la réalisation de la vision du président de la transition qui est de rendre la Guinée autosuffisante sur le plan alimentaire. Elle devra également guider nos relations avec nos partenaires techniques et financiers afin que tous les accompagnements dont nous bénéficions dans le cadre des projets et de programmes cadrent avec cette vision et que nous ne soyons pas dispersés », a lancé Félix Lamah.
Le représentant résidant de l’Organisation des Nations unies pour l’Alimentation et la Nutrition en Guinée a quant à lui expliqué que ces états généraux de l’agriculture et de l’élevage sont importants pour une raison bien précise.
« Le développement de l’agriculture dépend de l’identification et de l’investissement dans les opportunités qui augmentent la productivité, la compétitivité et apportent la croissance économique, mais aussi créent des emplois, augmentent les revenus et réduisent la pauvreté. La découverte de ces opportunités dépend des interactions de nombreux acteurs qui se déroulent dans un environnement physique et socioéconomique complexe. La Guinée est un pays doté d’un énorme potentiel agropastoral. La diversité agroécologique de ses régions naturelles constitue un atout pour le développement d’une gamme variée des systèmes de culture et de l’élevage. En réalité, il n’y a pas une plante qui pousserait quelque part sur le continent africain qui ne pousserait pas également en Guinée, de la Guinée Forestière à la Basse Guinée en passant par la Moyenne et la Haute Guinée. Cependant, malgré ces atouts indéniables dont par ailleurs une grande disponibilité des terres arables, chaque Guinéen naissant avec un potentiel d’un hectare, le secteur reste toujours confronté à de nombreux défis.
En république de Guinée comme dans d’autres pays africains, le sous-secteur de l’agriculture et de production végétale reste marqué par la faiblesse du développement des chaînes de valeur agro-industrielles permettant de diversifier l’économie, d’accélérer la croissance et d’asseoir la résilience, tandis que dans le secteur le sous-secteur élevage des diverses contraintes liées à la santé animale, à l’insuffisance de l’offre fourragère notamment en saison sèche et aussi l’insuffisance notoire d’infrastructures de production et de commercialisation des produits sur des filières bétails, viandes et lait, entravent sérieusement le développement du secteur agropastoral », a expliqué Dr Gualbert Gbéhounoun.
À ces défis structurels, s’ajoutent ceux liés au changement climatique et à ses corollaires que sont la sécheresse, les inondations et d’autres phénomènes climatiques extrêmes qui menacent gravement la production agricole et la sécurité alimentaire fait-il remarquer.
« Face aux défis multiples à l’origine des contre-performances du secteur agropastoral, il n’y a pas de meilleures solutions que de marquer un arrêt pour s’interroger en profondeur sur les stratégies, approches et modalités d’interventions pour sortir des sentiers battus pour et emprunter des voies plus prometteuses. Je réitère l’engagement de la FAO auprès du gouvernement guinéen à poursuivre son appui dans la modernisation du secteur agropastoral, la lutte contre l’insécurité alimentaire et nutritionnelle, le renforcement de la résilience des systèmes agricoles et pastoraux face au changement climatique. Au nom des partenaires au développement, nous encourageons la Guinée à soutenir les programmes que les partenaires mettent en œuvre, à investir dans l’agriculture et l’élevage et adopter des pratiques agropastorales durables », a ajouté le représentant résidant de l’Organisation des Nations unies pour l’Alimentation et la Nutrition en Guinée.
Oumar Bady Diallo